Géopolitique Touarègue
Origines du malaise Touareg
L’ensemble des populations touarègues (1 à 3 millions) se caractérise par une origine berbère commune. Ils vivaient traditionnellement de l’élevage nomade et du commerce caravanier du sel, des esclaves et de l’or qui avaient sa pleine activité avant la mise en place de traite négrière maritime, par les Européens à partir du XVIIe siècle.
Le commerce transatlantique allait modifier la contribution des Touareg aux échanges transsahariens. Ils sont les premières victimes des changements politico-commerciaux découlant du développement de la traite négrière par les Occidentaux.
Le rétrécissement de l’aire d’activité touarègue s’est accentué lors de la colonisation en favorisant la sédentarisation et le fractionnement des tribus. Le développement des moyens de transports maritimes et la globalisation de l’économie ont achevé de réduire le commerce caravanier à peau de chagrin et sont maintenant officiellement quasi inexistants en raison de la quasi-fermeture des frontières entre les états issus de la décolonisation.
Les sècheresses périodiques ont acculé les nomades à descendre vers les zones sahéliennes conduisant à des affrontements noyés dans le sang par les autorités autant nigérienne que malienne en 1963, 91 et 2003, 2012
Du point de vue coutumier, les Touaregs ont entre eux une gestion politique et sociale d'un territoire ou s’exerce une pluralité des fonctions : nomade, semi-nomade, citadins, commerçants, agriculteurs…
L’organisation confédérale avec des frontières flexibles est différente de celle de nations occidentales aux contours précis. Il n’existe pas de chef suprême, mais des chefs "arbitres", qui articulent les entités, entre elles.
Quatre à cinq pôles politiques continuent d’exister même si elles sont démembrées entre les états nations issus de la décolonisation :
- Hagard (ville principale : Tamanrasset),
- Ajjer autour de Djanet,
- Tademakat, la région de Tombouctou et où l'Azawad est la partie malienne
- Air (ville principale : Agadez, au Niger)
L’imbrication avec les peuples Haoussa et Peuls en particulier a toujours existé à travers le commerce caravanier qui allait jusqu’au Burkina Faso ou au Nigéria.
Lire plus : geopolitique du sud Sahara
Surveiller et contrôler leurs voies de communication furent de tout temps la préoccupation des caravaniers. Les rançonnages (les razzias) et l’attaque de convois ennemis ou concurrents fait partie de leurs pratiques. L’absence d’autorité politique et militaire forte laisse la bride sur le cou (du 4*4) à des bandes inorganisées qui profitent du commerce de la drogue, des cigarettes et des émigrés clandestins africains (essentiellement malien).
Même si L’EU paye les pays du Maghreb pour établir des camps de rétention des clandestins, comme à Tamanrasset, le désert est vaste et l’acheminement via la Libye reste le plus facile.
Géopolitique touarègue (depuis 2012)
Les évènements au Mali depuis 2012, remettent la cause touarègue au premier plan de l’actualité.
La chute de Kadhafi en Libye, a eu pour conséquence de renvoyer dans leurs foyers, en particulier au Mali, les mercenaires touaregs qui avaient été enrôlés. Ce retour de militaires fortement armés a ravivé la rébellion endémique au Mali et au Niger.
Si pour le moment l’accent dans les médias occidentaux porte sur ce qui se passe au Mali, c’est bien de la problématique de la survie des nomades touareg qui se pose dans des nations gouvernées, depuis la décolonisation, par des peuples d’Afrique noire,
D’une façon générale, il n’y a jamais eu d’unité politique touareg. L’organisation sociale est toujours restée basée sur des structures tribales ou claniques par région due à l’immensité du territoire habité par les Touaregs. Cela s’observe d’ailleurs chez tous les peuples du désert, comme en Libye, ou en Arabie saoudite. Il n’en reste pas moins qu’un sentiment d’appartenance à un peuple touareg existe dans une vaste zone qui s’étend du Sahel au sud saharien et du Mali à l’ouest du Tchad.
Les revendications du MNLA (Mouvement de Libération de l’Azawad), région nord du Mali, comme celle d’autres communautés touarègues, sont d’obtenir un retour financier sur les exploitations minières faites sous leur sol par les compagnies occidentales. Si le commerce caravanier n’est plus autorisé, ni même possible économiquement, on ne peut pas vivre décemment au Sahara que de l’élevage et du maraichage dans de maigres oasis, il faut un complément de revenu. Les revendications des plus pauvres d’entre eux au Niger et au Mali sont donc plus une revendication économique que politique. Ceux du sud de l’Algérie sont mieux traités et bénéficient plus ou moins d’un soutien économique de l’état.
Dans la crainte pour les Occidentaux, de voir leurs accès aux ressources compromises et pour les pouvoirs en place dans les états africains de voir leurs autorités contestées, le statuquo est la seule stratégie qui vaille au détriment des aspirations touarègues dont leurs organisations sont infiltrées, déstabilisées par de multiples mouvances téléguidées par les intérêts extérieurs (Arabe, islamiste, Occidentaux, Magrébin…) sans compter les difficultés d’union due aux rivalités ancestrales des différentes tribus.
Lire plus : Les acteurs de la géopolitique touarègue au Sahel
Depuis l’intervention des forces militaires franco-onusienne, la situation s’est stabilisée, mais en obligeant les Touaregs du nord du Mali à rester dans leur misère. Une reprise en main partielle, par gouvernement malien, de la situation politique du pays s’est opérée sous le contrôle des forces internationales, mais le problème de la marginalisation des peuples touaregs n’est toujours pas réglé.
L'indépendance proclamée de l'Azaouad n'est viable, ni politiquement ni économiquement, sans un débordement vers les régions environnantes. (pas de ressources minières exploitées ou exploitables, dans cette région et qui reste la plus pauvre). Ce sont ces débordements au-delà des frontières du Mali qui sont redoutés par les voisins. Le Mali reste un des principaux pays d'immigration pour les Touaregs du Sud Sahara. La mise a disposition de leur main d'oeuvre ou l’enrôlement comme mercenaire en sont (étaient) les principales ressources.
Les prises d'otages sont le fait des groupuscules islamistes par forcement touarègue qui financent en partie leurs actions avec les rançons. Des actions à fort impact médiatique, comme les proclamations de charia ou le saccage de manuscrits anciens, est également de leur fait. Les Touaregs sont musulmans, mais pratiquent avec modération.
Souhaité par les nations occidentales, dont la France, le maintien des états nations faibles dans leurs frontières actuelles pour préserver leurs intérêts économiques et leurs approvisionnements en matières premières, ne présage pas d'une issue favorable aux Touareg. Leur désir de retrouver une unité identitaire, voire une autonomie économique n'est pas acceptable par les gouvernements du Niger ou du Mali d'une pauvreté endémique. Quant à l'Algérie, qui vie de la rente pétrolière, et fait figure de seul état politiquement fort dans la région, si elle dispose de la force armée la mieux équipée, positionnée au sud-ouest de Tamanrasset, elle ne souhaite pas s'impliquer pour le moment dans la résolution du confit malien au risque de le voir déborder chez elle. Il reste la CEDEAO (1) mais dont les moyens militaires semblent inadaptés au maintien de l'ordre dans le désert contres des ex-mercenaires suréquipés.
Derrière la question Touarègue se profile celle du partage des ressources en matières premières. L'Afrique est convoitée, la mondialisation de l'économie bouleverse les donnes avec l'arrivée des grandes nouvelles économies (Chine, Indes, Brésil). Il est fort à parier que les plus pauvres, dont les Touarègues chercheront à récupérer leur part du gâteau en se rebellant contre les états en place, souvent corrompu, et affaibli par le clientélisme ethnique et dont le modèle économique de prédation reste celui issu de la colonisation.
Lire plus : geopolitique du Sahel
Une nouvelle illustration du pot de terre contre le pot de fer, comme pour de nombreuses minorités du monde, au Tibet ou en Papouasie par exemple.
(1) Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest, dotée d'un groupe d'intervention militaire: l'ECOMOG
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